Thérapies comportementales et cognitives (TCC):
hier et aujourd’hui.
En 1982, j’ai proposé à la Swissair (devenue plus tard Swiss Airlines) de créer des Séminaires contre la Peur en Avion. Selon certaines statistiques, 20 % des passagers sont légèrement anxieux avant ou pendant le vol. La moitié d’entre eux sont même paniqués . Sans parler de ceux qui ne volent pas du tout. Parfois ces passagers anxieux ont fait une mauvaise expérience de vol, mais plus généralement, ils ont une mauvaise Gestion du Stress (Stress coping). Une fois mon projet accepté, je visitai donc un collègue munichois qui me fit généreusement partage de son expérience. C’est ainsi que j’appris à connaître les bases de la thérapie comportementale, les travaux de Watson, Skinner, Beck et Ellis. J’appris à utiliser les thérapies de relaxation progressive de Jacobson et les thérapies de respiration. Je complétai ensuite mon plan de cours de trois jours par des techniques cognitives (« Penser jusqu’au bout ») . Une information sur le Phénomène du Stress et l’exposé d’un pilote de ligne en uniforme (avec questions-réponses) formait la partie psychoéducative du cours. J’intégrai aussi la notion de mesures subjective du stress (SUD) que je retrouverai plus tard en EMDR. Dans certains cas choisis (plus particulièrement en séances individuelles), j’utilisai des techniques d’immersion, de provocation, de recadrage. En 1983, lors d’un voyage aux Etats-Unis, je rencontrai encore d’autres spécialistes de la peur en avion.
La mise en pratique (1982-1983) de ces techniques pour traiter la peur en avion est restée pour moi une ressource thérapeutique bien au-delà des séminaires avec la Swissair. En effet, les thérapies comportementales et cognitives servent de colonne vertébrale à ma pratique. Ma question fondamentale est toujours: comment ma patiente a-t-elle appris telle manière de penser ou de faire et pourquoi persiste-t-elle. De fait, je m’intéresse moins à la cause qu’au changement. Et je demande que le changement intérieur (émotions et pensées) se reflète dans une action nouvelle. Ainsi, tout comme mes cours se terminaient par un vol aller et retour entre Genève-Zurich (ou vice-versa), il m’arrive souvent de demander à une patiente phobique de prendre le train, le tram, la voiture ou de parler devant un public. J’ai adoré les techniques stratégiques et provocantes de Watzlawick et Nardone, au point de me dire parfois: « allez, on va faire un nardone! ». Du reste je l’écris ainsi dans mes notes de séance.
Des techniques mentales (comme compter dans sa tête, modifier le focus visuel, construire un mur de protection) permettent ici et maintenant un changement immédiat. C’est un travail thérapeutique qui se fait tout aussi bien lors des séances que dans le quotidien. Mes patientes reçoivent fréquemment des tâches à faire à domicile (exercices des visualisation, de respiration, etc.). Mon but est qu’elles deviennent autonomes.
La troisième vague (voir l’article de Gilles Favro 2018) représente un nouveau paradigme dans la psychothérapie, avant tout centré sur la « pleine conscience » et l’acceptation de soi. De par mon expérience de la méditation et du EFT, mais aussi de la part importante de l’humour et des ressources, je suis parvenu très naturellement à rejoindre ce nouveau courant psychothérapeute. le but n’est plus de devenir des super-hommes ou super-femmes (ce qui était encore la tendance dans les années 80) mais bien plutôt de changer le regard que nous avons sur nous-mêmes et notre environnement. De recadrer. De prendre du recul. De changer de perspective.
Synthèse
Pour ma part, l’avantage de l’âge et de l’expérience est de voir à quel point les techniques thérapeutiques se répètent, se ressemblent, se séparent et s’enrichissent, pour ressurgir bien plus tard sous d’autres noms, proclamées par d’autres générations. Ce qui est toutefois nouveau, c’est que les nouvelles méthodes scientifiques (modélisation, critères statistiques et neurosciences) ont radicalement changé le paysage thérapeutique du XXIème siècle. Pour exemple, la Mindfulness-based Stress Reduction (MBSR) de Jon Kabath-Zinn en soi-même n’apporte rien de nouveau (respiration, pleine conscience, acceptation de soi), sauf que la standardisation, le contrôle des résultats et leur publication, ont permis une validation scientifique, et de là ,une diffusion large de cette méthode.
Ainsi actuellement, au terme proche d’une longue carrière, riche de nombreuses techniques adaptées à chaque situation, je suis – plus que jamais – créatif. Au-delà de la séparation entre les techniques, je comprends toujours mieux ce qui les unit et ce qui les différencie. Je peux passer de l’une à l’autre sans avoir peur du reproche de « m’intéresser à trop de choses ». Et cela me rend heureux de travailler ainsi.